« Paroles de confinés » de Anne –Marie B

15 juin, 2020
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Tout a commencé par la sidération : du jour au lendemain nous entrons en
confinement.

Cette décision gouvernementale fait brutalement se cristalliser nos appréhensions
encore fugaces en une boule d’angoisse. Ce qu’on craignait est arrivé, ce n’est pas qu’en
Chine, c’est chez nous !

La pandémie et son cortège d’interrogations, d’affirmations, de bilans nécrologiques et
de peur viscérale de la maladie me fait entrer dans le déni, puis dans la colère. Non, pas chez
nous ; on est dégourdi, on a les outils, on sait faire… Que nenni, nous voilà entrés dans une
crise (rupture en grec), qui va secouer nos habitudes et défaire délibérément les liens du vivre
ensemble.
Après la colère vient le chagrin, en prenant conscience des dégâts qui atteignent les
personnes les plus vulnérables et les plus exposées.

Bien à l’abri dans mon confinement de retraitée en couple, avec une maison et un
jardin, je m’enferme dans ma bulle qui devient peu à peu un espace de plus en plus agréable
avec maison nettoyée de fond en comble et jardin pomponné chaque jour.

Mais, dans ma tête, orages et interrogations se succèdent. Nos Amis, nos amis
malades d’Alzheimer et leurs proches aidants, comment vont-ils traverser cet événement ?
Et puis, les autres, les vieillards confinés en EHPAD, subiront-ils les interdictions
redoutables de rencontrer leur famille, l’obligation d’être tenus à distance, alors que leur sens
émoussés ont tellement besoin de stimulations.

L’annonce du super confinement pour personnes âgées de plus de 65 ans, me flanque
un coup fatal… Ca y est, je suis vieille, devenue fragile dans le regard des autres, alors que je
me sens pleine de vitalité, avec encore plein de choses à donner.

Mais, l’émotivité ne doit pas se substituer au raisonnement, et le sauveur du
confinement fut le téléphone. Ce magnifique outil, à, la fois docteur Jekyll et mister Hyde est
capable de faire passer la parole, les paroles de soutien et d’amitié, mais se révèle aussi
capable de polluer une journée par un bavardage incessant.

Malgré tout, le fil de notre amitié n’a pas été rompu avec nos Amis de l’association et
maintenant que le temps des retrouvailles est venu, avec le temps des projections et des
projets, les ombres de la pandémie se dissipent et je me réjouis de reprendre concrètement
notre vie associative.